La muñeca de Zurarda (Chapitre I)
Dernière mise à jour : 6 avr. 2020
Il était une fois une jeune femme des Andes prénommée Zurarda. Elle vivait dans la communauté Calla dans les hauteurs de Huancacha, une ville située à plus de trois mille mètres d’altitude dans la province de Coco.
La communauté Calla menait une vie douce. Même si elle avait l’habitude de travailler toute la journée, la communauté était heureuse. Les enfants chantaient, les enfants couraient. Les femmes cuisinaient, les femmes cousaient. Les hommes chassaient, les hommes construisaient.
La vie de la communauté était bien organisée. Chaque individu avait un rôle à jouer. Personne ne restait inoccupé. Tout le monde participait à l’harmonie de la communauté.
La communauté Calla vivait de l’agriculture vivrière en particulier de la papa. Tous les jours, les hommes élevaient le lama et l’alpaca, les enfants chassaient le cuy et les femmes semaient la quinoa, la machua et la papa. La population s’alimentait principalement d’elle. Une aubaine pour la communauté Calla qui était experte de la culture de la papa. Il existait d’ailleurs des milliers de variétés de papa. Celle qui poussait là était la papa dorada. Certaines étaient colorées, certaines avaient un goût sucré, d’autres un peu plus salé, certaines étaient acidulées. En particulier, les papa nativa de la communauté Calla avaient la peau dorée.
La communauté Calla maîtrisait la culture de la papa. La chaîne de production était rigoureusement organisée. Les tâches étaient réparties entre hommes et femmes de la communauté. D’abord, les femmes semaient les graines de papa nativa, le ciel s’occupait de les arroser puis les hommes les récoltaient et les enfants les nettoyaient. Les femmes s’occupaient ensuite de la transformation de la papa en purée ou pastaraca, en farine ou chips à croquer. Les hommes préparaient alors des stocks et du ciment de papa nativa pour construire leurs habitations. Ils géraient aussi le troc avec les communautés voisines et commerçaient sur le marché de Huancacha.
Tout était produit localement. Les habitants étaient très débrouillards. Ils savaient presque tout faire. Ils préparaient de délicieux mets à base de lama ou d’alpaca et raffolaient du fromage frais qu’eux-mêmes confectionnaient. Ils construisaient leurs habitations, cousaient eux-mêmes leurs ponchos et vêtements et transformaient leurs aliments.
La communauté avait eu le temps d’apprendre bien des choses. Particulièrement, elle était habituée à vivre en altitude. La pente des flancs de la cordillère n’avait pour elle rien de menaçant. Le soroche ne la dérangeait plus. Le climat local n’était plus surprenant. La montagne lui était si familière qu’elle prédisait avec exactitude les variations de sa température. Elle maîtrisait les techniques de cultures héritées du temps Pinka. Ainsi la communauté Calla assurait son indépendance alimentaire même après la colonisation des conquistadores espagnols.
Sur les flancs de la cordillère, sous le chant du Condor, au piémont du glacier Pallana, elle vivait dans un cadre idyllique. Les champs de quinoa formaient des rosaces sur le sol. L’odeur du cuy braisé fumait sous les alizées. Sur le lit de la vallée sacrée s’écoulait un fleuve jusqu’au désert Nazca. La vue sur la vallée était resplendissante. Et à chaque nuit tombée, le puma chantait et la flûte de pan berçait petits et grands...
Hélas, cette vie de rêve n’allait pas durer. Bientôt, la communauté Calla allait devoir sortir de l’autarcie pour participer à l’exploitation intensive de la papa nativa.
